Avec une formation solide en histoire de l’art et un Master en muséologie, Patrizia Roncadi a commencé son voyage professionnel en tant que conservatrice-restauratrice pour le ministère de la Culture italien. Son parcours l’a amenée à plonger dans divers aspects du monde artistique, allant du marché de l’art à la préservation des collections, sans oublier l’édition d’ouvrages spécialisés. Sa contribution en tant que collaboratrice scientifique à la Fondation Martin Bodmer souligne son dévouement à la curation et à la diffusion de l’art. Dans ce rôle, elle a été la cheville ouvrière de plusieurs expositions marquantes. En 2020, elle a franchi une nouvelle étape en co-dirigeant le CAS en Gestion des collections d’art, renforçant ainsi sa position de figure de proue dans le domaine de la gestion et de la conservation artistiques. L’entreprise Harsch transmet chaque année, durant quelques jours, son expertise dans le transport d’œuvres d’art aux participants du CAS. L’occasion ici d’une rencontre avec Patrizia Roncadi, co-directrice du CAS en Gestion des collections d’art.
Pouvez-vous nous présenter brièvement le CAS en Gestion des collections d’art et son importance dans le paysage artistique actuel ?
Patrizia Roncadi Il est important de souligner que nous avons bâti cette formation grâce au soutien indéfectible de la Haute école de gestion de Genève qui a décidé de croire en sa pertinence et à son bon timing. Le monde de l’art est devenu, donc, un nouveau domaine d’enseignement pour la Haute école de gestion qui a fait preuve d’une audace certaine en ouvrant ce nouveau CAS en Gestion des collections d’art. Nous préparons actuellement la troisième année.
Cette formation est unique par son périmètre d’activités diverses, par son ancrage à la Suisse Romande et par la combinaison de différents contextes professionnels. Sa vision, concrète et complète, est fondée sur le développement de capacités spécifiques basées sur de fortes expertises du terrain. Les nombreux intervenants invités ont tous adhéré avec enthousiasme, ce qui nous a permis une orchestration rapide et d’une seule voix. Les intervenants sont, du en fait, les points forts de la formation.
Comment votre expérience en tant que restauratrice-conservatrice et collaboratrice scientifique a-t-elle influencé la conception de ce programme ?
PR Pour élaborer les programmes des cours et de visites nous avons procédé comme dans un tissage de connaissances qui se complètent l’une avec l’autre. Le panorama très complexe du système des collections d’art, de leur conservation et valorisation, est régi par des bonnes pratiques que nous allons décortiquer, afin de permettre aux participants d’acquérir des savoirs pointus et variés.
Quels sont les principaux modules ou sujets abordés dans cette formation ?
PR La formation se veut agile et modulaire pour permettre à chaque participant de choisir l’approche qui lui semble la plus utile à son développement professionnel. Pour cette raison, les quatre modules abordent des thématique distinctes et précises : Connaissance du marché de l’art, Gestion d’une collection, Valorisation d’une collection d’art, Le futur de l’art est numérique. Chaque module peut être suivi séparément.
Nous avons construit ces quatre modules avec pour objectif de sensibiliser les participants à des fonctions complexes et spécifiques comme le travail de galeriste, de conservateur, de curateur et d’investisseur. La capitalisation des expériences des intervenants ouvre à la sensibilisation vers des stratégies de gestion complémentaires et en relation réciproques : collectionner, conserver, valoriser, vendre ou acheter, gérer pour exposer, exposer pour valoriser.
Comment le programme équilibre-t-il la théorie et la pratique ?
PR Surtout la pratique ! Des spécialistes d’excellence viennent présenter des cas concrets, des solutions trouvées, des méthodes approuvées et pratiquées selon les typologies diverses des collections. Notre objectif est de réunir autour de la gestion des collections des exemples de stratégies de gestion fiables et approuvées. L’expérience des intervenants est au centre du programme. Le dialogue avec les participants est le véritable point de force du programme qui se veut complexe et fluide à la fois.
À qui s’adresse principalement cette formation et quels sont les prérequis pour y participer ?
PR La formation est destinée aux diplômés en lettres, en histoire de l’art, en droit, en économie et à toutes les personnes qui souhaitent compléter un parcours académique ou professionnel dans le système de l’Art Industry. Un Bachelor est le prérequis. En effet, cette formation continue est pensée en emploi. Elle a lieu en fin de semaine pour permettre à qui est déjà employé dans un musée ou dans une galerie ou dans une Family Office d’acquérir une connaissance globale du système tournant autour de l’art et de ses acteurs. Il s’agit de proposer multiples imbrications entre différents savoir-faire afin de révéler les intérêts personnels de chaque participant.
Le programme collabore-t-il avec des institutions ou des professionnels du secteur ? Si oui, comment ces collaborations enrichissent-elles l’expérience des participants ?
PR La collaboration avec des partenaires d’excellence est fondamentale : conférences en classe, visites d’ateliers privés de restauration, de numérisation, d’analyses chimiques, visites d’expositions et rencontre avec des conservateurs, visites des galeries et rencontres avec des galeristes. Le tout est basé sur le dialogue et le partage des connaissances. Nous n’avons pas l’ambition de proposer des remèdes définitifs, mais nous pensons plutôt à des fenêtres ouvertes sur les diverses professions toutes centrées autour de la même et seule question : comment comprendre la consistance et la valeur d’une collection d’art et comment la gérer.
Comment voyez-vous l’évolution de la gestion des collections d’art dans les prochaines années ?
PR Le grand débat autour du numérique et de l’intelligence artificielle résonne parfaitement avec le monde de l’art qui est, par définition, en évolution perpétuelle. Il est question d’outils de gestion et d’analyse plus performants et rapides, il est question surtout de la multitude de données et métadonnées, mais également de la pertinence entre technologie et créativité.
Nous connaissons tous l’importance du numérique appliqué à la gestion des collections dans le monde des bibliothèques et des archives, mais aussi dans la muséologie et dans le monde du marché de l’art. Les centres de recherche développent de nouvelles plateformes, on parle de digital humanities, de catalogues onlines, de nouvelles méthodes pour le diagnostic appliqué aux œuvres d’art et, enfin, de réalité augmentée. La véritable stratégie du numérique agit sur les engrenages personnels orientés vers le futur, vers l’optimisation, dans le sens de la confiance à se réadapter, à se réinventer dans des nouvelles perspectives. Des nouvelles logiques discursives sont révélées, comme si l’humain est à la recherche de toujours plus de netteté.
Pour citer Guy Davenport « Art is always the replacing of indifference with attention ».
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